Grande Muraille Verte : Où en est-on avec le projet ? - BBC News Afrique (2024)

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Ce projet, qui a pour objectif de limiter l'expansion du désert du Sahara doit à terme créer une muraille forestière de 7.500 km. Une ceinture verte qui longe le désert du Sahara et qui doit traverser 11 États d’Afrique d’ouest en est, du Sénégal jusqu’à Djibouti. Mais le projet lancé en 2007 semble avoir du mal à progresser, à 6 ans de la fin des délais prévus.

Au sud de ce vaste étendu de sable qu'est le Sahara, 2 millions d'hectares de forêt et de savane s'assèchent chaque année.

Une avancée galoppante du désert qui n'est pas sans conséquence dans presque tous les domaines, s'illustrant par une baisse des productions agricoles, qui entraine une situation d'insécurité alimentaire.

Sans oublier l’impact négatif sur les efforts de développement économique de la plupart des pays de l’espace saharo-sahélien.

C’est ainsi que divers programmes-cadres et plans d’action existent au niveau du continent et sont mis en œuvre pour lutter contre les menaces de dégradation des sols et de désertification dans les zones sahéliennes en marge du désert du Sahara.

Cependant, malgré ces efforts consentis et les avancées significatives obtenues çà et là, force est de reconnaître que les résultats escomptés sur la restauration des terres et de la biodiversité, les conditions économiques, sociales et environnementales des populations restent en deçà des attentes.

L’autre réalité est qu’aucun pays, pris individuellement, n’a les moyens techniques, humains et financiers nécessaires pour faire face à ces contraintes majeures, d’où la nécessité d’une approche solidaire, intégrée et fédératrice.

Aux origines d'un projet novateur

L’Afrique a donc proposé comme réponse, la mise en œuvre d’une nouvelle approche dénommée « Initiative Grande Muraille Verte (IGMV)».

Dès juillet 2005, les chefs d’États et de gouvernements des États sahélo-sahariens ont décidé d’apporter une réponse pertinente de l’Afrique pour faire face à la désertification et aux changements climatiques.

Abdoulaye Wade, ancien président de la République du Sénégal, disait dans son allocution de la cérémonie d’ouverture du colloque scientifique international (CSI) "La Grande Muraille : choix des espèces végétales et des systèmes de mise en valeur et de suivi" tenu les 11 et 12 février 2009 : "Le projet Grande Muraille Verte est un projet porteur pour l’humanité et les générations futures. Face aux échéances de 2030, où la population africaine atteindrait 1,7 milliard, nous n’avons plus le droit de regarder, impuissants, la destruction de notre patrimoine".

Ambitions du projet

Selon le Programme des Nations-Unies pour le développement (PNUD), au-delà de la plantation d’arbres, la Grande Muraille Verte transforme des millions de vies au Sahel.

Ciblant initialement 11 nations sahéliennes, la campagne a été conçue pour stopper la progression du désert du Sahara, qui s'est étendu de 10 % depuis 1920 et a englouti des villages entiers.

Ses principaux objectifs sont de restaurer 100 millions d'hectares de terre, de disposer de 250 millions de tonnes de crédits carbone et de créer 10 millions d'emplois dans les zones rurales.

Au Niger par exemple, dit le PNUD, les jeunes ont joué un rôle prépondérant en matière de sensibilisation, de mobilisation et de renforcement des capacités pour contribuer à l’IGMV, notamment à travers le projet Jeunesse sahélienne pour l'Action Climatique (JESAC). Ils ont planté des arbres sur 97 ha de terres restaurées et formé les communautés aux techniques d'agroforesterie. Des pépinières et des paiements de services écosystémiques ont permis de générer des revenus pour les populations locales. De plus, en collaboration avec le gouvernement nigérien, les jeunes ont réalisé une cartographie des sites afin d'évaluer le potentiel des crédits carbone à réinvestir dans les communautés à l'avenir.

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Quels résultats de sa mise en oeuvre de 2007 à nos jours ?

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En 2021 déjà, plus de 10 ans après son implémentation au Sénégal, le colonel Gora Diop chargé du volet Sénégal de la GMV expliquait à la BBC que le niveau du taux de couverture végétale s'évaluait sur trois niveaux . Il s'agit d'abord du niveau de productivité, du niveau du sol et de la quantité de carbone séquestrée.

Le colonel confiait alors que le Sénégal était à cent vingt hectares qui ont été reboisés, sur tout le long du tracé de la grande muraille verte de Leona à l'ouest jusque dans l'est du pays.

En termes de productivité, le pays avait créé des jardins polyvalents avec plus de mille cinq cent femmes qui s'activent dans les activités d'arboriculture et de maraîchage.

Sans compter la séquestration de carbone qui pourrait être évaluée au niveau de la Grande Muraille verte à 3,6 tonnes de carbone par hectare et par an. Parmi les variétés d'arbres plantées, on comptait l'Acacia Sénégal, l'Acacia Rayana, l'Acacia, la Balents Egypt et les édifices non saignants. Ce sont ces cinq espèces qui ont une grande plus-value, qui sont utilisées en termes de fruits, de produits forestiers.

Selon le colonel Abdou Ibrahim, chargé de l'Initiative Grande Muraille Verte au Niger, le taux de réalisation reste encore très faible.

"Après dix ans de mise en œuvre de l'initiative grande muraille verte, le secrétariat exécutif de l'UNCCD avait commandité une étude pour évaluer la mise en œuvre de la grande muraille verte de 2010 à 2020. Lors de cette évaluation, le constat était clair, le résultat tourne autour de 10 à 15 % selon le pays. Quoi que certains pays comme l'Ethiopie, le Sénégal et le Niger ont fait des efforts considérables dans la mise en œuvre de l'initiative Grande muraille verte, notamment en ce qui concerne la restauration des terres dégradées et le reboisem*nt. Je pense que, en terme de synthèse de ce qui est fait, on peut dire que c'est très faible", note le colonel Ibrahim Abdou.

Plus d’une quinzaine d’années après son lancement, la Grande Muraille Verte n’en est encore qu’à la phase de projet. Il reste beaucoup à faire, estime le Colonel Abdou Ibrahim.

"Depuis 2005, l'idée a été lancée par le président Obasanjo lors d'une réunion à Ouagadougou et ça a été concrétisé avec la création de l'Agence panafricaine de la Grande muraille verte en 2010. Et aujourd’hui, nous sommes en 2024, ça veut dire qu’il y a un chemin qui a été parcouru. Mais il reste beaucoup, beaucoup à faire pour atteindre l'objectif de la grande muraille verte, qui dépasse l'idée initiale de la bande de quinze kilomètres sur huit kilomètres de long de plantations qui traverse les onze pays, du Sénégal à Djibouti."

Dans la feuille de route 2021-2025 l'agence Panafricaine de la Grande Muraille verte mentionne au chapitre des réalisations fin 2023, 10 millions d'hectares de terre restaurées et aménagées 50.000 ménages ruraux équipés en énergie propres et 500.000 emplois productifs créés 50.000 locaux et partenaires bilatéraux et économique.

D'après le Président de World Action, les indicateurs révèlent que le continent est loin d'atteindre les objectifs fixés dans ce projet. Aly Mbaye DIENG souligne qu'il y a moins de 5 % des 100 millions d'hectares d'aménagement qui sont exploités. Un retard dû surtout aux conflits qui gangrènent l'évolution de la région, selon lui.

Cela signifie aussi que le succès d'une telle initiative est fortement tributaire d'une pacification de la région et d'une bonne appropriation du projet par les communautés locales à travers une approche inclusive. Il est indispensable que les populations soient convaincues que ce projet leur offre un meilleur avenir.

Il met en relief l'effort consenti par le programme d'action contre la désertification en Afrique avec la FAO, qui soutient l'initiative de la Grande Muraille verte, travaillant avec les communautés locales, le gouvernement et la société civile pour restaurer les terres dégradées dans plusieurs pays comme le Burkina Faso, l'Éthiopie, la Gambie, le Mali, la Mauritanie, le Niger, le Nigeria, le Soudan et le Sénégal.

Entre 2015 et 2020, 63 hectares de terres dégradées ont été plantés pour amorcer. La restauration est enrichie de plus de 12 millions de plantes et de 120 tonnes de sem*nces forestières provenant de plus de 100 espèces locales d'arbres et de graminées fours.

Le poids des contextes géopolitiques

Malgré son envergure et son importance dans la restauration des terres, le projet de la Grande Muraille verte d’Afrique n’est pas forcément dans les priorités des gouvernements, souvent préoccupés par l’insécurité, les violences et plus généralement le contexte géopolitique, si l’on en croit Aly Mbaye Dieng, président de World Action.

L'environnementaliste alerte sur un fait : "le continent africain risque de connaître d'ici 2050 une baisse de vingt pour cent de ses rendements en raison de la dégradation des sols et de la désertification, alors que dans le même temps, sa population devrait doubler", citant le Groupe intergouvernemental sur l'évolution du climat.

D’après lui, l’Afrique connaît également une vulnérabilité croissante face aux sécheresses, aux inondations, à la famine et aux conflits…

Pour le président de World Action, le projet de la Grande muraille verte devrait être un projet de développement durable en réponse aux multiples défis du Sahel.

Mais ce grand projet peine à tenir ses promesses. Parmi elles, une bande d'arbres qui traverse l'Afrique sahélienne d'est à l'ouest pour tenter de ralentir la progression de la désertification, reconstituer les écosystèmes et redynamiser surtout la région délaissée par de plus en plus d'habitants qui ne parviennent plus à subsister, notamment en raison des épisodes de sécheresse graves et récurrents.

Pour sa part, le colonel Abdou Ibrahim, en charge de l'initiative Grande Muraille Verte au Niger, estime qu'une volonté politique forte pourrait aider à atteindre les objectifs assignés par la GMV.

« Ce que nous pouvons dire au Niger, c’est qu’il y a toujours une volonté politique de mise en œuvre ou d’accélération de la mise en œuvre de la Grande Muraille Verte. »

Au total, pas moins de 228 communes nigériennes sont concernées par la mise en œuvre de ce projet, sur une superficie équivalente à près de 37 % du territoire qui sont concernés par la bande verte, dans les zones où la pluviométrie atteint cent millimètres à cinq cent millimètres par an.